Vi(c)e

Ici et maintenant.

La chambre d’hôtel qui m’a servi ponctuellement d’échappatoire me semble bien loin désormais.
Je fais le calcul, cela fait approximativement cinq ans que je suis arrivé à Lyon et un peu plus de quatre années que je suis dans mon appartement actuel.

En quatre ans, je n’ai pas sombré, j’ai coulé et touché le fond. Même si je ne voulais pas l’admettre pendant de longs mois, il ne pas fallu très longtemps pour retomber dans mes vices.

Les deux premiers vont de paire, l’alcool et le cannabis sont presque indissociables. J’ai repris les deux en même temps, sans m’en vouloir le moins du monde. J’avais enfin l’impression de retrouver qui j’étais vraiment.
En regardant en arrière je ne pouvais reconnaître cette personne que je voyais, se forçant à être sobre et à se contrôler perpétuellement. Pour être tout à fait sincère, je m’ennuyais profondément. La vie de couple bien rangée, où l’on se retrouve chaque soir et où l’on finit par ne plus rien avoir à se dire, ce n’est définitivement pas pour moi.

Nous sommes désormais au mois de mai 2017 et ma vie est infernale.
Après avoir redécouvert mes deux addictions favorites il était temps de reconquérir la troisième, qui est peut-être la pire.
J’aime l’enivrement, ce sentiment de bonheur éphémère, cette euphorie palpable qui me met dans un état second. Je n’en ai pas besoin constamment, mais j’en ai tout de même besoin. Il est rare que je m’y mette dès le matin, il m’est nécessaire d’avoir des repères, mais dans la journée cela arrivera, forcément.
Il m’est impossible pour de ne pas posséder un stock d’herbe suffisant chez moi, sinon je panique. De même pour la boisson, si je n’ai pas une bouteille de rosé au frais, je ne suis pas tout à fait à mon aise.
Non pas que je l’ouvrirais à la première occasion ou que je me roulerais un joint au réveil, mais au moins ils sont là, leur présence me rassure. Je sais que si j’en ai l’envie, je n’ai qu’à sortir mon pochon de beuh ou ouvrir ma bouteille.

Après avoir emménagé dans mon nouvel appartemment, il y a donc plus de quatre ans, j’ai eu quelques mois très étranges.
Mon quotidien se faisait en fonction de mon boulot. Si je ne l’avais pas, je ne sais pas comment j’aurais tenu le choc. Mes produits n’étaient qu’un pansement, ma douleur était vive et bien réelle, mon coeur souffrait atrocement. Je savais que fuir a été la meilleure des décisions, pourtant l’amour ne se dissipe pas comme des volutes de fumée, il faut du temps et de l’énergie.

J’ai donc continué mon chemin, sans grand conviction. Je me levais tous les jours, je me préparais et parfois je roulais un joint. Il m’arrivait de fumer quelques lattes et de laisser le reste pour ma pause du midi. Certains jours je fumais, d’autres non, d’autres fois je rentrais rapidement chez moi, buvais un ou deux verres de vin avant de retourner au travail.
Je travaillais car il le fallait, pour payer mon appartement, mon herbe, mon alcool et mes clopes. Ma bouffe aussi, même si cela est secondaire. Je ne faisais pas les choses par envie, plus par automatisme, comme un robot.

Un jour, j’ai ouvert les yeux, ai préparé mon café et ai allumé ma cigarette. J’étais en repos et ai profité de cette journée pour me reposer et sortir un peu. En fin de journée je me suis rendu compte que je n’avais pas pensé à lui, ou quasiment pas.
Ces pensées, ces états d’âme, cette haine qui parfois s’insinue, tout semblait s’être évaporé. J’ai enfin souri, pour la première fois depuis un bon moment.
Nous étions en février, je m’en souviens très bien car il faisait enfin meilleur.

A partir de ce moment, où le bonheur semblait de nouveau possible, les pulsions sont petit à petit revenues. Je n’avais pas besoin de fumer ou de boire pour les avoir. Dès le matin, en me rendant au travail, je ne pouvais m’en empêcher. Dès que je voyais un mec qui me plaisait un minimum, je me mettais à avoir chaud, envahi d’une sorte d’obsession. Je voyais des types, casquette sur la tête, en jogging et ne pouvais m’empêcher de regarder leur membre un peu trop apparent.

Un soir, après avoir été à une soirée chez une collègue et amie, j’ai pris le chemin du retour. Je me rappelle avoir pas mal bu mais surtout avoir beaucoup fumé. Sur la route, presque arrivé chez moi, je tombe sur un mec, la vingtaine.
C’était un rebeu, viril et plutôt beau, habillé en survêtement. Il marchait assez vite et soudain, je lui demande du feu.
J’avais un briquet dans ma poche mais mes pulsions ont pris le contrôle de moi-même. On a commencé à parler de beuh, il lui en restait mais n’avait plus de feuilles et devait aller chez sa meuf. Je lui ai répondu que je devais aussi rejoindre ma copine et il m’a proposé de fumer si je lui dépannais quelques feuilles.

Nous nous sommes posés dans un parking, avons fumé quelques lattes et je commençais à ne plus vraiment me reconnaître. Je sentais de l’excitation monter en moi, je tentais de la contrôler, il fallait que je m’en aille.
Je voyais dans son regard une sensation similaire, j’ai baissé les yeux et ai vu qu’il bandait. Je ne pouvais détourner les yeux, j’ai baissé son jogging et son boxer et je l’ai sucé avant qu’il ne fasse de même.

On a terminé le joint que l’on avait laissé tomber à terre et il est parti rejoindre sa petite amie.
Je suis rentré chez moi et ai tout de suite compris que ce n’était que le début.